Très cher budget

Memento Mori

Si la tradition veut que le ménage se fasse au printemps, je vous confesse que cette année, ce fut la période estivale qui s’est révélée la plus propice à de tels chambardements. Ainsi après m’être intéressé à l’Amicale des Conseillers Généraux du Gers en 2015, puis à la gestion du circuit de Nogaro l’année dernière, je vous propose cette année rien de moins qu’un voyage au sein de la comptabilité du Conseil Départemental, un voyage quatre étoiles si j’en crois la réclame!

Propos liminaires

Avant d’aller plus loin, je me dois de vous mettre en garde. Mon travail, eu égard à mes faibles moyens, n’est que parcellaire. N’ayant pas la force d’étudier près de 500 comptes renfermant des milliers d’écritures, je me suis contenté d’observer le fonctionnement de 7 d’entre eux et encore, par manque d’information, je tiens à préciser que ce travail n’a pas pu être exhaustif. D’un point de vue temporel, j’ai survolé les dépenses allant du 1er juillet 2015 au 31 juillet 2018. Une des limites de ce travail réside donc dans le manque complet d’exhaustivité. J’aurais aimé aller plus loin afin d’auditer en profondeur certains projets ou certains secteurs de dépenses mais, simple citoyen, il m’est quasiment impossible d’effectuer ce travail. Je le laisse donc aux élus en place qui, eux, ont accès à l’ensemble de ces documents et peuvent solliciter l’aide du service financier du département. Je le laisse notamment aux élus dits « d’opposition » qui devraient exercer leur rôle essentiellement en portant ce regard scrupuleux sur la dépense publique. Je le laisse en premier lieu à Michel Gabas qui depuis l’automne dernier est le président de la commission des finances du département. C’est ce travail que nous sommes en droit d’attendre de nos élus et ce plus encore s’ils se revendiquent de l’opposition. Dès lors, les chiffres que vous lirez sous ma plume sont des montants de dépense a minima. De même, ce travail n’inclut pas, alors parfois cela aurait été nécessaire, le coût des salaires afférents au projet ainsi que le coût de fonctionnement du bâtiment et des fluides (eau, électricité). Sérieuses limites, je vous l’accorde.

Enfin, la seconde limite est la subjectivité de l’échelle des valeurs. Depuis mes débuts en politique, j’ai toujours considéré que chaque euro sortant de la poche du contribuable pour entrer dans les caisses d’une collectivité est un euro sacré. Je suis, par conséquent, ultra-sensible à la dépense publique et il est possible que ce qui me surprenne n’effarouche pas nombre d’entre vous.

Venons-en désormais au fait. Cet article est le premier d’une trilogie. En plus de la mise en garde que vous venez de lire, il abordera par la suite certaines dépenses qui posent question. Seront ainsi regroupées des dépenses qui correspondent à un choix politique qui est sûrement légitime mais qui nécessite discussion par rapport au coût de l’affaire. Le second article sera consacré à des dépenses qui ne relèvent que de l’effet de manche, de la simple opération de communication avec pour unique plus-value d’assurer une visibilité maximale aux membres de la majorité départementale et à son président. Ces dépenses constituent de l’argent perdu, en rien légitime. Enfin, le dernier sera consacré aux dépenses superfétatoires qui m’amènent presque à regretter l’absence de famille régnante en Gascogne qui, je vous le confie dès à présent, serait une charge moins onéreuse pour les Gersois que l’équipe qu’ils ont placée à la tête de la collectivité départementale.

Memento

« Vanité des vanités, tout est vanité » ainsi parle l’Ecclésiaste prophète pour qui la vie n’est qu’un souffle vague et éphémère faisant glisser insensiblement l’être humain vers sa fin prochaine. Devant cette sentence, deux lectures sont possibles. Soit le « memento mori » (souviens-toi que tu es mortel) qu’un esclave susurrait à l’oreille du général romain porté en triomphe et qui avait pour vocation de contrecarrer tout orgueil excessif, soit le « carpe diem » (profite du jour) invitant à jouir chaleureusement de la vie avant que la mort ne nous refroidisse. Inutile de vous préciser qu’au Conseil Départemental du Gers, le second a été préféré au premier.

Pourtant, un des projets de cette collectivité s’intitule bel et bien Memento. Projet Memento qui, dans sa charte graphique met en exergue le « ment » (symbole ou cynisme ?), est depuis 2016 un espace départemental d’art contemporain riche en manifestation. Sous de nombreux aspects le projet paraît séduisant mais face au coût important qui transforme cet espace en véritable danseuse de la collectivité, quelles sont les retombées pour les gersois ?

Après une première année où la communication autour du projet a nécessité l’emploi de 91000 euros, le budget consacré à la publicité de l’événement décroît pour s’élever à 27000 euros en 2017 et 16000 sur les sept premiers mois de l’année 2018 soit une trajectoire assez semblable sur les deux derniers exercices. En revanche, les frais annexes (concerts, vernissages, buffets, repas, frais de déplacements) ont suivi une courbe inverse : 22000 euros en 2016, 47000 en 2017 et 34000 sur les sept mois de 2018. L’activité Memento semble donc se stabiliser à 75000 euros auxquels il conviendrait d’ajouter les charges de personnel et le coût du loyer budgétaire. Ainsi, au-delà de l’autosatisfecit, un bilan complet du projet semble, lui, avoir besoin d’un peu de publicité. En effet, de nombreuses questions demeurent en suspens : quelle est la fréquentation ? Quel objectif recherché ? Par quels moyens ?

Vélo et CDJ

Deux autres projets méritent également d’être signalés. Tout d’abord, la « route du sud », rebaptisée en 2018 route d’Occitanie. Ainsi, en 2016, l’accueil durant une journée de cette épreuve cycliste de 5 jours a coûté 27000 euros. Dépenses utiles ? Passion excessive ? Sur ce point aussi, sans avis péremptoire, la question doit être soulevée.

Enfin, mon dernier point de ce rapport d’étonnement concerne les activités du Conseil Départemental des Jeunes. Bien sûr, je ne puis qu’approuver la volonté d’associer les jeunes au fonctionnement de la collectivité. Mais est-il bien nécessaire de gratifier ces quelques individus d’un voyage onéreux tandis que nombre de leurs camarades ne partent pas en vacances ? C’est déjà leur donner l’impression qu’au-delà des critères financiers ou sociaux, l’appartenance à un groupe d’élus suffit seule à préempter quelques avantages. Je ne reviendrai pas sur l’affaire du voyage au Svalbard (73000 euros) relayé avec talent par Yves Faucoup sur un blog que je vous conseille par ailleurs d’explorer. Je puis seulement affirmer que le retour du Svalbard, le passage à Paris et la publicité faite à cet événement ont coûté 38000 euros. Enfin, il convient d’ajouter 15936 euros pour le film souvenir.  Soit une opération qui dépasse les 120000 euros. Rappelons en outre que ce voyage n’a duré que 5 jours et n’a concerné que 15 jeunes.

L’année d’après, toujours sous un prétexte environnemental, les jeunes ont nettoyé les plages de Biarritz dans le cadre de leur projet, Initiatives Océanes. Nettoyage qui aura coûté la modique somme de 9800 euros au contribuable. Pour le bien-être de l’environnement, ces milliers d’euros n’auraient-ils pas pu être investis ailleurs ?

Les sujets ici esquissés sont des points de dépense qui méritent débat. Le but de cet article n’est donc que de le lancer.

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Image de une: Vanité, Philippe de Champaigne, 1671

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