Révolution !

Édouard Philippe est-il le Premier Ministre qui lave plus blanc que blanc ? Le second gouvernement Philippe, ou le gouvernement Philippe II, qui aurait pour le coup quelques accents de l’antique royauté jupitérienne lorsque le drapeau de notre pays était encore blanc, a exfiltré, mercredi 21 juin, quatre ministres dont le nom était mêlé à des affaires. Si, au début des années 90,  Pierre Bérégovoy et Édouard Balladur avaient donné leurs noms,  lors de leur passage à Matignon (à l’époque du second, François Bayrou siégeait rue de Grenelle), à une jurisprudence qui voulait que tout ministre mis en examen démissionne du gouvernement, le locataire actuel a choisi d’anticiper la mise en examen pour agir. Sûrement dans le but de redonner la confiance dans notre vie démocratique comme l’indique l’intitulé du premier projet de loi présenté en Conseil des Ministres.

Dans son allocution, le Garde des Sceaux sur le départ nous met en garde contre cette « société de perpétuelle dénonciation ». Entrons-nous alors dans une ère de Terreur où le soupçon est généralisé ? Cette volonté d’exemplarité, pierre angulaire de ralliement de François Bayrou à Emmanuel Macron, peut-elle, comme il le déplore désormais, nuire à la démocratie voire l’anéantir ? Sommes-nous allés trop loin ?

Afin de ne pas faire durer un faux suspense, je répondrai d’ores-et-déjà par la négative. Non, nous n’allons pas trop loin, nous venons de loin et il nous reste encore du chemin à parcourir. La présomption d’innocence n’est pas bafouée. Certaines fonctions nécessitent des serviteurs – et telle est l’étymologie du mot « ministre » – particulièrement dévoués, consacrés et irréprochables. A fortiori lorsqu’il s’agit du Ministre de la Justice. François Bayrou a porté un jugement sévère et légitime à propos des affaires entourant le candidat Fillon. Il a agi de même avec la présidente frontiste… pour une affaire identique à celle qui plane au-dessus de lui. Il ne peut y avoir une règle pour les opposants et une autre pour les amis. Un gouvernement qui se veut irréprochable doit se donner les moyens de l’être et écarter de ses rangs tous ceux qui risquent de ternir cette image, et au-delà, de nuire à l’action publique.

En effet, le véritable risque pour la démocratie est de se maintenir en dépit des soupçons. Contrairement à ce que laisse entendre Monsieur Bayrou, le vent n’emporte pas tout le monde sur son passage. Si un mois a suffi à balayer quatre ministres, dix-huit demeurent si ce n’est sans peur, du moins sans reproche. A ce titre, le dernier quinquennat est édifiant. De très nombreux ministres ont exercé leur mission honnêtement et en toute quiétude. De plus, c’est la première fois depuis fort longtemps qu’un Président de la République quitte l’Élysée sans avoir pendue au-dessus de sa tête l’épée du soupçon.  Pourtant, la mauvaise gestion du fraudeur Cahuzac, puis des noms tels que Thévenoud ou Le Roux viennent ternir l’image générale. Le risque pour la démocratie n’est pas de montrer la porte à un ministre qui ne peut plus exercer sa mission avec sérénité et l’esprit libre, mais bien de laisser quelques noms polluer un gouvernement dans son ensemble.

Pour autant, assistons-nous alors à une véritable Révolution telle que le candidat Macron nous l’avait annoncé dès le titre de son livre paru en novembre dernier ? Là aussi, pas de suspense et une réponse négative. Les vieilles pratiques demeurent et nous n’allons pas assez loin.

D’abord, l’allocution de Monsieur Bayrou prouve que certains politiques ne comprennent toujours pas où se situe cet idéal d’exemplarité. En effet, nous avons entendu parler d’un complot contre un Ministre afin qu’il ne puisse pas porter son projet de loi. Rassurons Monsieur Bayrou, les fameuses puissances qu’il évoque ne devraient pas venir à bout de ce projet si la volonté politique est solide. Le problème n’est pas le projet de loi mais bien son porteur. Le Ministre de la Justice Bayrou n’a semble-t-il pas compris, non plus, qu’il lui soit reproché son appel « citoyen » pour se plaindre du traitement qui lui est réservé par Radio France. Rappelons également que cette dénonciation n’est pas anonyme mais qu’elle trouve sa source en 2014 dans les écrits de Corinne Lepage. Une fois de plus, c’est la pression populaire et le travail des médias qui mettent en lumière certaines zones d’ombre. Pourquoi alors vilipender le Front National et encenser le Modem ? Si la Justice est aveugle, ce n’est pas pour marcher à tâtons mais bien pour traiter tous les justiciables de manière égale. De plus, prétendre s’écarter pour une cause plus grande et abaisser l’Histoire à sa petite personne en évoquant les années noires de la France n’est pas à mettre au crédit d’une politique nouvelle.

Les vieilles pratiques demeurent, en outre, car un ministre sur la sellette depuis plusieurs jours n’est sorti du gouvernement qu’après avoir sauvé son poste de député. Les vieilles pratiques demeurent, toujours, lorsqu’un ami du Président est « nommé » chef d’un groupe parlementaire. Les vieilles pratiques demeurent, encore,  quand le ménage est fait au gouvernement et que la poussière retombe à l’Assemblée.

Pour François Bayrou, la porte de sortie n’est pas le Palais Bourbon mais bel et bien un retour à Pau. Sur la route qui l’éloignera de la place Vendôme, ce féru d’Histoire, amateur de sycophantes, se souviendra peut-être du révolutionnaire Danton qui, après avoir appartenu au Comité de Salut Public et mis en place le gouvernement de la Terreur avec Robespierre, se trouvant être moins vertueux que l’Incorruptible fut envoyé à l’échafaud par ce dernier et menaça alors son ancien allié, depuis la charrette qui le menait à la guillotine, d’un lugubre : « Robespierre, tu me suis ! »

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