Dans Chapitre 1 : Moralisation de la vie publique, j’ai promis un suivi attentif de la question qui est érigée par le gouvernement comme une symbolique porte d’entrée du quinquennat à venir. Le Garde des Sceaux, François Bayrou, travaille sur une loi qui sera présentée en Conseil des Ministres d’ici le premier tour des législatives (mercredi 7 juin vraisemblablement). Afin de préparer sa loi, il a donc commandé un rapport au député René Dosière.
René Dosière est le député d’une terre que je connais bien et que j’apprécie particulièrement : l’Aisne. Ce député s’est illustré comme un minutieux scrutateur de la dépense publique notamment celle de l’Elysée et de Matignon. C’est donc avec un a priori très favorable que j’ai pris connaissance du rapport de cet illustre parlementaire. A priori d’autant plus favorable que les échos de la presse m’ont semblé dithyrambiques.
Je ne vous cache pas ma déception. Si certains des douze points proposés marquent une avancée, nombreux sont les effets de manche et nous sommes bien loin de l’ambition initiale. Tout d’abord, je suis peiné de voir que la fiscalisation de l’IRFM et la retraite des parlementaires n’est pas abordée. Ainsi, si le rapport devait être adopté en l’état, un parlementaire continuerait à percevoir 13000 euros mais à payer de l’impôt sur 6000 tout en bénéficiant toujours de son régime ultra-spécial de retraite. Reprenons brièvement les douze points. Pour une lecture rapide, en vert les véritables bonnes mesures, en orange les avancées qui ne vont pas assez loin et en rouge les fausses-bonnes idées qui correspondent à un effet d’esbroufe.
1 – Encadrement du financement public des partis
Très chers partis ! Les sommes allouées aux partis politiques s’élèvent à plus de 70 millions d’euros. A cela doit s’ajouter le manque à gagner pour l’Etat lorsqu’un reçu fiscal est accordé suite à un don. L’encadrement proposé ne permet ni d’assainir le financement ni d’en limiter son montant. En revanche, il exclut les petits partis de l’aide publique car celle-ci est accordée à tout parti ayant aux législatives 50 candidats qui obtiennent plus de 1% et que la proposition porte sur un relèvement du seuil (100 candidats à 2.5%)
Seul grand point positif de la proposition, l’interdiction de prêter (et donc de bénéficier d’intérêts) pour les partis ce qui mettrait de facto le micro parti Jeanne hors jeu.
2 – Obligation pour tout candidat d’avoir un casier judiciaire vierge et d’obtenir un quitus fiscal pour tout élu
Pourquoi ne pas mettre en vert cette mesure que je réclame fortement ? Uniquement car elle intervient trop tard. En effet, l’élu disposera d’un mois pour régulariser sa situation financière. Autrement dit, un candidat pourra se permettre d’être phobique administratif du moment qu’il régularise, en toute opacité, sa situation après son élection. Bref, cette obligation doit intervenir dès le dépôt de candidature.
3 – Limitation du cumul des mandats dans le temps
Voir René Dosière qui cumule 25 ans de députation faire cette proposition m’a fait sourire. Il souhaite limiter à trois mandats successifs. Ainsi, le député malheureux qui se fait battre à l’issue de son second mandat, pourra cinq ans plus tard repartir pour une série de trois. Exemple parfait de la fausse-bonne mesure, intéressante de prime abord mais viciée en réalité.
4 – Moralisation du cumul des indemnités
Alors là j’étais heureux… puis sacrément dépité. René Dosière propose seulement de s’attaquer au cumul d’indemnité et non pas à la fiscalisation des indemnités des parlementaires. Ainsi, la place demeure toujours excellente.
5 – Encadrement des fonctions de conseil pour un parlementaire
Bien mais insuffisant. Un parlementaire devrait, le temps de son mandat, être parlementaire à plein temps. Cela revient à exclure toute activité et tout revenu du travail annexe.
6 – Suppression de la réserve parlementaire
Le problème de la réserve, c’est le clientélisme qu’elle instaure, les parlementaires disposant de ces 130000 euros comme ils l’entendent. Or, avec nos quatre parlementaires, cette réserve permet néanmoins à 520000 euros d’arriver en Gascogne chaque année. Ainsi, si la réserve est fondue dans une dotation rurale, la mesure est intéressante mais nous ne pouvons priver nos communes de cet argent.
A titre indicatif, des députés de la dernière législature (Isabelle Attard, Barbara Romagnan) ont instauré, ce que nous proposons, une distribution citoyenne, transparente et collégiale de la réserve qui me semble beaucoup plus judicieuse.
7 – La transparence imposée au Président de la République
Connaître le patrimoine du Président n’est pas réellement un acte de moralisation de la vie publique.
8 – Une moindre rémunération pour les anciens Présidents de la République
Sans commentaire. Parfait.
9 – Interdiction des emplois familiaux
Le problème dans l’affaire Fillon était davantage le caractère fictif de l’emploi. En outre, la mesure proposée autorise les emplois croisés (le député A qui embauche le conjoint du député B et inversement).
10 – Des ministres à plein temps
Enfin. François Hollande y était presque arrivé… jusqu’à l’exception Le Drian.
11 – Renforcement de la déontologie à l’Assemblée nationale
Quis custodiet ipsos custodes ? Mais qui gardera ces gardiens ? Il s’agit là d’une forme d’auto-contrôle exercé en interne.
12 – Instauration d’une responsabilité financière des gestionnaires publics
Il s’agit, de très loin, de la mesure la plus innovante et la plus pertinente du rapport. Elle instaure une réelle responsabilité qui permet de poursuivre toute dépense publique engagée par des responsables politiques en dehors des règles établies.
En conclusion, un rapport intéressant mais qui manque cruellement de souffle et d’ambition. De nombreux effets de manche qui peuvent satisfaire de prime abord, mais qui n’apportent que peu ou pas de changements en réalité. Ne préjugeons pas toutefois de la loi qui sera présentée. Un rapport est source de réflexion mais c’est bien le ministre qui présentera ce qui constituera le nouveau cadre. Espérons que celui-ci aura le courage et la volonté de traiter en profondeur ce qui constitue aujourd’hui encore une véritable anomalie.
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