Les bons comptes font les bons amis

Nous avons connu l’époque, il y a peu, où les parachutes dorés faisaient les gros titres de la presse. Il s’agissait bien souvent de plusieurs millions d’euros privés versés fort généreusement par des entreprises au président lors de son départ, volontaire ou forcé.

En Gascogne, pays où le bleu de Lectoure éclaire habits et toiles parachutesques, nous avons, semble-t-il, opté pour le parachute de Cocagne : il s’agit d’un dispositif de facture plus modeste, se comptant (seulement) en milliers d’euros, mais réalisé, en revanche, en intégralité sur des deniers publics.

Un tour de circuit et puis s’en va

Le 20 décembre 2011 a dû être un jour heureux pour Pierre Berthelon. Il est alors directeur de la SEMPA, Société anonyme d’économie mixte locale du circuit Paul Armagnac. Ce jour-là, le conseil d’administration, sous la houlette de son président(1) Bernard Gendre (actuel vice-président du Conseil départemental), vient d’approuver, par délibération, malgré la réticence de certains administrateurs, sa rupture conventionnelle, lui accordant une indemnité de 190 000 euros.

Un cadeau de Noël avant l’heure, qui aurait pu s’avérer encore plus avantageux, sans intervention de l’Etat. En effet, sous la présidence précédente de Claude Bourdil (vice-président de la Communauté d’Agglomération du Grand-Auch Coeur de Gascogne et Président de la Commission des Finances du Conseil Départemental), le montant de la première convention de rupture était de 300 000 euros. La DIRECCTE (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) avait refusé d’homologuer un tel document.

Monsieur Berthelon est alors directeur de la SEMPA depuis le 1er octobre 2008, soit un peu plus de 3 ans d’activité. L’année 2008, où seul le dernier trimestre est sous sa férule, s’achève avec un excédent de 113 000 euros. Il faudra ensuite attendre son départ et la clôture de l’exercice 2012 pour que la société renoue avec un excédent. Les trois exercices dirigés par Pierre Berthelon se sont tous soldés avec des déficits supérieurs à 200 000 euros(2) .

Nous ne nous intéresserons pas, pour le moment, au détail de sa gestion. Ce qui nous intéresse, hic et nunc,  c’est qu’à l’issue de cette fâcheuse période pour le circuit de Nogaro, le départ de Monsieur Berthelon pour des « raisons de convenance personnelle », s’est traduit par un chèque de 190 000 euros. La Chambre Régionale des Comptes d’Occitanie de conclure ainsi(3)  : « Un tel montant apparaît disproportionné à la fois avec les résultats de la SEMPA sous la direction de l’intéressé, avec les capacités financières de la société qui s’est trouvé en difficulté pour absorber cette charge, avec la faible ancienneté de l’intéressé, à peine supérieure à trois ans, et avec les usages en matière de rupture conventionnelle, puisqu’un tel montant, pourtant sensiblement réduit par rapport au projet initial établi à 300 000 euros, équivaut à 23,8 fois le montant de l’indemnité minimale prévue par le code du travail. »

OCR201708

En bref, un beau cadeau de la part du contribuable gersois : il est question ici d’un parachute à 1 euro par habitant, équivalent à plus de 13 ans de SMIC net.

Le mystérieux Pierre Berthelon

Mais au fait, qui est Pierre Berthelon et pourquoi bénéficie-t-il d’un tel traitement de faveur ? Véritable homme de confiance de Philippe Martin (député et ancien Ministre de l’Environnement sous la Présidence de François Hollande), il est arrivé dans le département en 2002 lorsque son patron et bienfaiteur reprit en 2002 à la droite le Parlement de Gascogne. Il s’est alors vu confier la direction générale des services du département.

Francilien d’origine (comme Philippe Martin), et licencié en droit au milieu des années 70 (comme Philippe Martin), Pierre Berthelon, conscient que le bonheur se trouve dans le pré, venait se mettre au vert. Il exerçait auparavant au conseil général des Hauts-de-Seine et le quitta dans la précipitation. En effet, suite à cette activité, deux lignes supplémentaires allaient s’ajouter à son curriculum vitae : le 2 décembre 2004, le Tribunal Correctionnel de Nanterre le condamne pour corruption. Le condamné fait appel. Le 5 avril 2006, la Cour d’Appel de Versailles le condamne à 18 mois de prison avec sursis, 10 000 euros d’amende et la perte de ses droits civiques(4) . Mais, à tout moment, l’homme put compter sur la solidarité et le soutien de Philippe Martin qui n’hésita pas à monter au créneau lorsque cela s’avéra nécessaire, afin de le défendre.

En dehors de quelques (rares) piqûres de rappel, l’intéressé a coulé des jours heureux, d’abord au Conseil Général du Gers, de 2002 à septembre 2008 puis à la SEMPA, d’octobre 2008 à décembre 2011.

Difficile, cependant, de ne pas percevoir l’influence de son généreux protecteur lorsque l’heure du départ anticipé sonna.

___

(1) Le capital de la SEMPA est détenu à plus des deux tiers par le Conseil départemental et c’est à ce titre que le président est issu des rangs de cette assemblée. Le reste est majoritairement détenu par l’association sportive automobile Armagnac Bigorre.

(2) Rapport d’observations définitives adressé à Bernard Gendre le 10 janvier 2017

(3) Document authentifié en possession de l’auteur

(4) leparisien.fr/…/des-cadres-du-conseil-general-condamnes-pour-corruption-03-12-2004-2005506828.php

ladepeche.fr/…/427515-conseil-general-prive-du-droit-de-vote

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