Les confettis de l’Empire

Jean d’Estrées, en cette nuit de décembre 1676, à quelques jours de Noël, peut être fier du travail accompli. Après une bataille épique, il apporte la pax francia à la Guyane et offre un beau cadeau à Louis XIV. Longtemps la proie de divers appétits européens, anglais, espagnols, hollandais et français, après moult révoltes amérindiennes, Cayenne et la Guyane deviennent pleinement terres de France.

Depuis quelques jours, cette terre française située à 7000 kilomètres de la métropole s’invite sur le devant de la scène. Les habitants de la Guyane souffrent. Je dis bien les habitants car, contrairement aux dires de la Ministre, il n’existe pas de peuple guyanais. Sous l’égide du préambule de la Constitution de 1958, nous ne formons qu’un seul peuple, le peuple français.

Au-delà de cet aspect sémantique et constitutionnel, les habitants de la Guyane souffrent. Tout comme souffrent et ont souffert en 2008 ceux de la Guadeloupe emmenés alors par le charismatique Elie Domota. Les maux sont les mêmes : vie chère, chômage endémique qui culmine à 20 % de la population active, taux de pauvreté particulièrement élevé(16 % de RSA), forte immigration, insécurité, dégradation continue des services publics. Ainsi, les douleurs des territoires ultramarins ressemblent aux douleurs de la métropole. Mais en pire.

Déjà, certains déplorent le coût exorbitant pour le budget de l’État de ces terres lointaines et préféreraient abandonner nos frères à leur triste sort. Certes, il en est d’autres qui réclament des efforts, ces terres offrant à la France la deuxième rang mondial en ce qui concerne les zones économiques exclusives ainsi que le point stratégique qu’est Kourou. Un candidat souhaite même réhabiliter le bagne non plus à Cayenne mais à Kerguelen.

Mais la question n’est pas celle-ci. Il est trop égoïste de regarder seulement ces territoires à l’aune de la puissance de la France. En outre, les guyanais ne demandent pas à vivre en tournant le dos à la métropole, à l’histoire de la France qui est leur pays. Ce n’est pas vivre sans elle, c’est mieux vivre avec elle. De même, Mayotte a, par deux fois dans son histoire, décidé de s’arrimer fièrement à la France. Ainsi, Mayotte, la Guyane, la Guadeloupe, c’est la France !

Comme en métropole, la solution ne peut venir durablement de millions vaguement distribués afin de calmer les foules. La solution ne passe pas non plus par la froide distance de la Ministre dédiée qui, malgré les alertes, ne se rend sur place que trop tardivement et en repart trop prématurément sans qu’une solution soit trouvée. La solution ne se trouve pas dans l’intransigeance d’un gouvernement qui plie face aux bonnets rouges sur une question économico-environnementale et qui résiste devant une population qui se lève, ensemble et fière, pour vivre mieux.

A court terme, afin que la situation ne se détériore pas davantage, le Gouvernement doit faire preuve d’écoute et de compréhension. Mais c’est surtout sur le long terme que la France doit se ressaisir. Une vision d’avenir, non seulement pour la Guyane mais pour l’ensemble des outre-mers doit être envisagée.

Notre politique des outre-mers doit changer radicalement. Il convient d’abroger les niches fiscales en faveur d’investissements privés ultramarins, niches onéreuses pour le budget national, injustes sur le plan social et fiscal et inefficaces en terme territorial. Elle doit mettre fin à la surprime des fonctionnaires et abroger l’octroi de mer tout en pérennisant les finances locales. En revanche, la France doit investir dans les infrastructures, les hôpitaux, les écoles. Des fonctionnaires doivent être présents en nombre suffisant pour assurer les services attendus.

Et puis, surtout, les solutions doivent passer par le local. Paris ne doit plus tenir ses territoires en laisse. Il conviendra alors de régionaliser les recrutements de fonctionnaires. De plus, la Guyane importe plus de 80 % de ce qu’elle consomme…et bien souvent de la métropole. La Guyane doit produire sur place, redécouvrir ses voisins immédiats et commercer alentour. En Guyane, comme en Guadeloupe il s’agira de mettre fin à un capitalisme rentier et foncier. Les terres doivent appartenir à ceux qui les travaillent et produire ce dont la population locale a besoin.

Ainsi, les territoires d’outre-mer pourront servir de laboratoire au futur Président si celui-ci souhaite faire preuve de courage et de hauteur de vue. Mais il devra prendre garde. La révolte en Guyane est une révolte de la rue qui emporte sur son passage une classe politique locale discréditée. Il sera donc nécessaire en Guyane, comme en métropole, de renouer avec la population en l’associant réellement aux décisions et en mettant en œuvre des règles plus vertueuses car, sans vertu, toute réforme n’est que nouvel abus.

Un commentaire sur “Les confettis de l’Empire

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  1. Bravo, tout est compris tout est dit. Ce n’est que la perception d’un texte par un métropolitain, voir les commentaires des Guyanais.e.s

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